Comment les bactéries magnétotactiques
naviguent dans les sédiments en utilisant le champ magnétique terrestre ?

Des chercheurs ont mis en lumière le comportement fascinant des bactéries magnétotactiques, qui utilisent le champ magnétique terrestre pour s’orienter dans des environnements complexes. Ces micro-organismes, qui évoluent au sein des sédiments, ont démontré une capacité unique à adapter leur déplacement pour éviter les obstacles. Une découverte qui ouvre de nouvelles voies de compréhensions sur la motilité microbienne et l’évolution des bactéries, en vues d’applications dans les secteurs de la bioremédiation ou de la médecine.

Le rôle du champ magnétique terrestre dans la navigation bactérienne

Les bactéries magnétotactiques sont des micro-organismes naturellement présents dans les sédiments où elles nagent en s’orientant grâce à des chaînes de nanoparticules magnétiques. Ces nanoaimants leur permettent de s’aligner avec le champ magnétique terrestre, ce qui les aide à dépenser moins d’énergie dans la recherche de conditions de vie optimales. Jusqu’à présent, les études sur la motilité de ces bactéries avaient principalement été menées dans des solutions liquides simples comme de l’eau, loin de la complexité de leur environnement naturel, le sédiment, composé de grain de sable de formes et de dimensions diverses et variées.

Ainsi, naviguer dans un tel environnement présente un défi supplémentaire. Les chercheurs du BIAM et leurs collaborateurs ont voulu comprendre comment ces bactéries réagissent lorsqu’elles rencontrent des obstacles simulant ceux de leur habitat naturel. Ils se sont ensuite intéressés à la manière dont le champ magnétique terrestre influençait la capacité des bactéries à arriver à destination en contournant ces obstacles.

Carte de canaux microfluidiques d’observation du déplacement des bactéries

Ce schéma montre les mouvements de 2000 bactéries simulées pendant 30 minutes dans un environnement avec un champ magnétique faible (50 µT) orienté de gauche à droite. Les zones en bleu indiquent les bactéries qui n’ont pas atteint l’extrémité droite du canal, tandis que les zones rouges montrent celles qui l’ont fait. Les cadres verts mettent en évidence des « pièges » naturels formés par des obstacles dans le canal, bloquant ou ralentissant certaines bactéries. Ce phénomène est dû à l’interaction entre le champ magnétique et la forme du canal, qui crée des chemins spécifiques que les bactéries empruntent.

Une découverte majeure : l’intensité optimale du champ magnétique

L’équipe de chercheurs a démontré que l’intensité du champ magnétique terrestre joue un rôle crucial en guidant les bactéries avec une certaine flexibilité tout en évitant de les piéger dans des zones difficiles à contourner. Des expériences réalisées dans des canaux microfluidiques, reproduisant les caractéristiques des sédiments, ont montré que les bactéries nagent plus efficacement lorsque l’intensité du champ magnétique est proche de celle présente naturellement. En revanche, un champ trop fort conduit les bactéries à se retrouver bloquées dans des « coins » formés par les obstacles, tandis qu’un champ trop faible entraîne une orientation aléatoire, rendant leur mouvement inefficace.

Une approche multidisciplinaire pour caractériser le mouvement bactérien

« Pour obtenir ces résultats, nous avons combiné plusieurs techniques, notamment la microscopie optique sous champ magnétique et des simulations informatiques sophistiquées, » dévoile Damien Faivre, chercheur au sein de l’institut. « Les simulations, basées sur un modèle de particules browniennes actives (Cf. encadré), ont permis de reproduire les trajectoires observées expérimentalement et de quantifier précisément la nage des bactéries en fonction de différentes géométries d’obstacles ». Les expériences ont confirmé l’effet de piégeage à forte intensité de champ magnétique, et ont ainsi montré que la réduction de l’intensité permet aux bactéries de s’échapper.

Les résultats suggèrent également que les bactéries magnétotactiques ont évolué pour s’adapter aux conditions du champ géomagnétique au fil du temps, optimisant leur capacité à s’orienter et à se déplacer dans des environnements complexes comme les sédiments. Cette adaptation pourrait leur conférer un avantage pour trouver des conditions de vie favorables tout en évitant de se retrouver coincées.

Vers de nouvelles recherches sur la motilité bactérienne

Fort de ces résultats, l’équipe prévoit d’approfondir ses travaux en ajoutant des gradients chimiques et des flux dans les canaux microfluidiques afin de reproduire encore plus fidèlement les conditions naturelles des sédiments. « Cette approche pourrait ouvrir de nouvelles voies de recherche sur la motilité des micro-organismes dans les environnements complexes, et peut-être inspirer des applications dans d’autres domaines, comme la bioremédiation ou le développement de microrobots autonomes en vues d’interventions médicales très ciblées par exemple », projette déjà le scientifique.

Modèle de particules browniennes actives

Ce modèle décrit le comportement de particules capables de se déplacer de façon autonome, en utilisant leur propre énergie, comme les bactéries. Contrairement au mouvement brownien classique, qui est entièrement aléatoire, les particules actives peuvent orienter leur trajectoire en fonction de stimuli externes, tels que des champs magnétiques ou des obstacles. Ce modèle permet d’analyser la manière dont les particules naviguent dans des milieux complexes en combinant des déplacements dirigés et des interactions aléatoires avec leur environnement. Il est particulièrement utile pour étudier la motilité des micro-organismes et d’autres systèmes autonomes.