Inspirés par les systèmes de propulsion des bactéries, des chercheurs issus de plusieurs instituts internationaux* sont parvenus, en collaboration, à reproduire par impression 3D des micro-nageurs qui pourraient être guidés à l’aide de champs magnétiques dans l’organisme humain à des fins thérapeutiques.
Pour être en mesure de développer une thérapie ciblant des zones de traitement à l’échelle cellulaire, l’équipe de Microbiologie Environnementale et Moléculaire (MEM) du BIAM travaille actuellement sur la fabrication en impression 3D de micro-nageurs de l’ordre du micromètre qui pourront être guidés grâce à la rotation et à la variation de fréquence de champs magnétiques. Les scientifiques ont observé que le déplacement de certains micronageurs obtenus par synthèse chimique varie en fonction de la fréquence utilisée : A 20 hertz, ils se déplacent dans une direction à une vitesse d’environ 2 µm/seconde alors qu’à 70 hertz ils partent dans la direction opposée à une vitesse d’environ 3 µm/seconde.
« En fonction des fluctuations de champs magnétiques, nous avons aussi observé leur capacité à faire d’autres types de mouvements » souligne Damien FAIVRE, auteur correspondant de l’article et responsable de l’équipe MEM. Ce comportement de nage a ensuite pu être reproduit par une partie des micronageurs imprimés en 3D pour reproduire la forme des micronageurs d’intérêt. « En théorie, nos calculs indiquent que les micro-nageurs pourraient atteindre des vitesses de l’ordre de 20 à 30 µm/seconde ». Soit dix fois plus rapide que les vitesses effectivement observées. Cet écart entre théorie et pratique a fait l’objet de toute l’attention des scientifiques qui, au cours de leurs recherches, ont mis en évidence plusieurs verrous technologiques, d’une part sur le plan de l’impression 3D et d’autre part sur les méthodes d’imprégnation des micro-nageurs par une pellicule de nickel, responsable de leurs réactions aux lignes de champs magnétiques.
Pour arriver à ces conclusions, plusieurs étapes ont été déroulées. « La première a été de fabriquer des micro-nageurs sur la base d’une forme aléatoire, au comportement non linéaire et dont les déplacements répondaient à nos attentes théoriques, » détaille Damien. Cependant, les tests en laboratoires n’ont pas permis d’atteindre les vitesses attendues. « Les comportements aléatoires qui ont été observés sont indépendants des fluctuations de fréquences et aucune logique n’a pu être mise en évidence. En revanche le manque de précision des techniques d’impression peuvent influencer certaines variations » confie le chercheur.
Développer la technologie pour libérer les voies de recherche
Pour imprimer les micronageurs, les chercheurs ont d’abord conçu les modèles en version numérique 3D (Image B). C’est sur cette base qu’ont été réalisés les micro-nageurs par impression 3D (images C pour l’impression « horizontale » et D pour l’impression « verticale »). Et en effet, l’impression présente un taux d’erreur de 5 %. Cette variante s’explique par le mode de réalisation du modèle 3D qui consiste à agglomérer des nanobilles pour réaliser la forme. D’autre part, la technique d’enrobage, consistant à vaporiser un film de nickel (réactif au champ magnétique) pour recouvrir les micro-nageurs, modifie leur forme et leur poids. De plus ce film peut également s’oxyder. « Tout cela peut faire varier le moment magnétique du micro-nageur, expliquant l’inconstance des mouvements que nous avons pu observer » poursuit Damien. A ce stade, les alternatives envisagées pour parvenir à maitriser et optimiser les micro-nageurs se concentrent sur trois points primordiaux : « Nous travaillons sur la possibilité d’incorporer le matériau magnétique directement dans les billes afin de mieux contrôler les propriétés magnétiques de nos modèles. En parallèle de nouvelles technologies 3D doivent être développées pour reproduire des formes complexes avec plus de précisions. Enfin, il nous sera indispensable d’augmenter le nombre de formes sélectionnées pour diversifier et optimiser leurs modes et leurs vitesses de déplacement » prévoit le scientifique. Inhérente au progrès, l’interdisciplinarité et le développement des projets transverses est plus que jamais la clé de voute de la plupart des projets de recherche. L’équipe du MEM s’oriente à présent vers l’utilisation de bactéries afin de poursuivre ses recherches sur les micro-nageurs. En effet les bactéries magnétotactiques peuvent, elles aussi, être guidées dans l’organisme humain grâce à leurs chaines de magnétosomes.
Les micro-nageurs, arme de combat contre le cancer
Les méthodes de couplage de la thérapie et du diagnostic dans un même « médicament » sont une approche thérapeutique permettant à l’imagerie médicale de cartographier les cellules cancéreuses et de les traiter de manière ciblée et individualisée, en fonction de la problématique des patients. Les micro-nageurs pourraient apporter à cette approche thérapeutique une réelle valeur ajoutée notamment sur des formations de micro-nageurs en essaims capables d’apporter la juste dose thérapeutique.
*Institut de Biosciences et biotechnologies de l’Université Aix-Marseille, Saint Paul lez Durance, France Institut Max Planck, Potsdam, Germany Institute for the Dynamics of Complex Systems, University of Göttingen School of Medicine and School of Engineering Koc University, Istanbul, Turkey
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Selection for Function: From Chemically Synthesized Prototypes to 3D-Printed Microdevices
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/aisy.202000078
RÉFÉRENCES
F. Bachmann, J. Giltinan, A. Codutti, S. Klumpp, M. Sitti, and D. Faivre, Selection for Function: From chemically synthesized prototypes to 3D printed micro devices, Advanced Intelligent Systems, 2000078,https://doi.org/10.1002/aisy.202000078