Découverte d'une protéine géante jouant un rôle clé dans le stockage de molécules riches en énergie chez les microalgues
Des chercheurs viennent de découvrir le rôle essentiel d’une nouvelle protéine géante (DTH1) impliquée dans la dégradation des « gouttelettes lipidiques », site principal de stockage de carbone et d’énergie chez certaines microalgues. Cette découverte change significativement notre compréhension de leur système de production et stockage de molécules riches en énergie. Elle ouvre de nouvelles perspectives dans le développement de filières de biocarburants de 3eme génération1.microalgues. Cette découverte change significativement notre compréhension de leur système de production et de stockage de molécules riches en énergie. Elle ouvre de nouvelles perspectives dans le développement de filières de biocarburants de 3eme génération1.
Présentes sur terre depuis des millions d’années dans tous les milieux humides, les microalgues intéressent les scientifiques pour leurs très grandes capacités d’adaptation environnementale. En effet elles ont su coloniser les eaux salées et douces, en passant par les plus saumâtres mais aussi par les eaux gelées des glaciers ou la simple humidité des sols. Pour faire face à des conditions de vie très hostiles certaines d’entre-elles sont parvenues à se spécialiser dans le stockage de réserves de molécules hautement énergétiques en développant des mécanismes spécifiques dont les scientifiques cherchent aujourd’hui à percer les mystères. La compréhension de leurs systèmes de production de « molécules à haute valeur ajoutée » est capitale pour le développement de filières de biocarburants de 3ème génération. C’est notamment sur ce sujet que planche une des équipes de recherche de l’Institut de Biosciences et biotechnologies d’Aix-Marseille (BIAM), en collaboration avec une équipe coréenne.
Ces réserves énergétiques, plus connues sous le nom de gouttelettes lipidiques (LD), sont le site essentiel de stockage du carbone chez la microalgue Chlamydomonas reinhardtii, modèle étudié dans le développement des biocarburants de 3ème génération. Ces gouttelettes se forment en grand nombre sous l’effet du stress au sein de nombreux organismes unicellulaires.
Pas de lipide sans stress…
Constituée d’un « noyau lipidique neutre » la gouttelette, qui se forme surtout sous l’effet du stress, est entourée d’une couche simple de lipides membranaires, elle-même encerclée par des protéines. Lorsque le stress disparait, les microalgues reprennent leur croissance en consommant l’énergie stockée sous forme d’huiles (triacylglycérols ou TAG). Afin d’être en mesure de trouver une parade qui permette aux algues de ne pas dégrader les précieuses huiles, les chercheurs tentent de comprendre plus finement ce processus de dégradation.
Comment préserver les lipides en l’absence de stress
« Pour déchiffrer ce mécanisme nous étudions les algues qui ont naturellement muté et qui présentent des défauts dans le processus de dégradation des huiles », expose Yonghua Li-Beisson, chercheuse et coauteur de la découverte. « Celui que nous avons identifié a perdu toutes ces capacités de dégradation. Dans le cadre de nos recherches nous avons pu démontrer que ce phénomène est lié à l’absence d’une protéine géante nommée DTH1 (Delayed in TAG Hydrolysis 1) ».
La DTH1 se situe sur la gouttelette lipidique par un ancrage qui la lie à un phospholipide spécifique (phosphatidyléthanolamine). « C’est tout cet ensemble qui contribue à la phase de dégradation de la gouttelette, » pointe Yonghua. « Le mutant, que nous avons baptisé dth1 (en italique et minuscule) en est totalement dépourvu. Il est donc dans l’incapacité de dégrader les huiles, hors période de stress et ne relance pas non plus la croissance de l’algue ».
C’est une nouvelle protéine essentielle à la dégradation des gouttelettes lipidiques qui a ainsi pu être identifiée. Cette étude a fait l’objet d’une publication acceptée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences USA fin aout 2020 et ouvre de nouvelles perspectives dans le développement de filières de biocarburants de 3eme génération.
1 La troisième génération de biocarburants, encore à l’état de recherche notamment à cause de son fort coût de production, de sa consommation énergétique élevée et de son faible rendement, utilisera des microorganismes photosynthétiques capables de produire naturellement des molécules à forte valeur énergétique.
http://www.cea.fr/comprendre/Pages/energies/renouvelables/essentiel-sur-biocarburants.aspx
RÉFÉRENCES
Lee J, Yamaoka Y, Kong F, Cagnon C, Beyly-Adriano A, Jang S, Gao P, Kang BH, Li-Beisson Y*, Lee Y * (2020). The phosphatidylethanolamine-binding protein DTH1 mediates degradation of lipid droplets in Chlamydomonas reinhardtii. PNAS
*Contact auteur (au CEA) : Yonghua Li-Beisson yonghua.li@cea.fr